& les Chroniques
Express
Betsch
"La Traversée"

"La Traversée"
DATES | Sorti le 24 avril 2020 | Publié le vendredi 6 novembre 2020
ET ALORS | Est-ce qu’on peut être ému, sincèrement, par les histoires que raconte un autre ? Est-ce qu’on peut être touché, profondément, par des mots, comme lorsqu'ado nous écoutions dans l'obscurité "Pornography" de The Cure, "A New Form of Beauty" de Virgin Prunes ou "Low Life" de New Order ? Bertrand Betsch nous démontre avec son nouvel album, "La Traversée", que cette possibilité de transmission perdure, quel que soit notre âge, quelle que soit notre vie, que l'artiste peut à partir de quelques mots, à partir d’une "simple" chanson entrer en résonance avec nous et notre propre histoire. "On n’est pas toujours gentil, on est parfois mauvais garçon" ("À la Nage"), "C’est un regard c’est un baiser, à la dérobée, c’est presque rien, mais ça fait du bien", ("À la dérobée"), "À la fin, il y a toujours un matin, à la fin ce qu’on est, on le devient" ("À la fin") ou encore "Et même si l’on meurt, après bien des malheurs, on aura eu du bonheur" ("Le Bonheur"). Comme La Variété en son temps, Erik Arnaud, Mendelson ou Daniel Darc, comme tous ces poètes sagement tapis dans l’ombre de Dominique A, Bertrand Betsch sublime la mélancolie, la tristesse… la vie.

Lamia Vox
"Alles Ist Ufer. Ewig Ruft Das Meer"

"Alles Ist Ufer. Ewig Ruft Das Meer"
DATES | Sorti le 1 aout 2020 | Publié le vendredi 30 octobre 2020
ET ALORS | "Alles Ist Ufer. Ewig Ruft Das Meer" ("Tout est Rivage. La Mer appelle pour toujours"), le quatrième album de Lamia Vox, de son vrai nom Alina Antonova, s'écoute obligatoirement en fermant les yeux. Votre subconscient vagabond vous chuchotera alors en un éclair que si Lisa Gerrard avait décidé, en 1998, de s’associer au duo Suédois Arditi plutôt qu’à l’Australien Pieter Bourke, l'album "Duality" que la chanteuse de Dead Can Dance sortit cette année-là aurait furieusement ressemblé au nouvel album de l’artiste tchèque dont il est question ici. Les rythmes martiaux s'invitent dans des compositions néo-classiques faites de sons de cors, de santour et de nappes inquiétantes, pour un résultat qui emprunte les chemins de procession de la dark ambient, de la musique rituelle et du chant éthéré. Jamais répétitif, à la fois solennel et très beau, le disque libère ses incantations titre après titre tout au long d’une cérémonie digne. Une très belle réussite.

Korine
"The Night We Raise"

"The Night We Raise"
DATES | Sorti le 4 septembre 2020 | Publié le mercredi 28 octobre 2020
POURQUOI | Le nom
ET ALORS | Ce qui a toujours été un peu dérangeant avec la synth-pop, ce sont ces voix de poseurs et leurs ballades souvent un peu pesantes ; ce qui distingue la musique pour dancefloor de la nôtre, c’est son manque d’humanité ; ce qui nous met mal à l’aise avec la new wave de 2020, c’est son absence d’originalité ; ce qui nous lasse avec les jeunes formations électroniques, c’est la monotonie de leurs productions.
Mais ce qui nous fait adorer Korine et son second album "The Night We Raise" c’est que le disque de ce duo de Philadelphie est à la fois sans prétention et d’une intelligence époustouflante. Huit titres, pour trente-deux minutes, d’une synth-pop, aux accents new wave, orientée pour les dancefloors. Mais d’une variété, d’une originalité et d’une humanité sans faille. On est ému par la profondeur et la richesse de cette production que l’on peut écouter en boucle sans jamais se lasser. Un bijou d’une insolence inouïe.

Nation of Language
"Introduction, Presence"

"Introduction, Presence"
DATES | Sorti le 22 mai 2020 | Publié le mercredi 5 août 2020
ET ALORS | Déjà : quelle voix. Assurée, maniérée, si charmeuse avec sa diction soignée… on sent l’ombre de Lloyd Cole, de Morrissey ou encore Dave Gahan, celle de ces dandys qui rassurent et sont capables de nous entraîner au bout du monde. Mais autour de Ian Devaney, il y a aussi une succession de mélodies et des morceaux à la construction très intelligente, qui, bien qu’en apparence basés sur le combo classique guitare lumineuse, basse douce et prégnante, et batterie enjouée, étonnent très vite lorsque l’on voit surgir des synthés pour le moins "vintage". Quelle belle surprise que cette succession de perles qui oscillent entre indie pop et new wave (mention spéciale pour "The Division St.", "Automobile" ou encore "Friend Machine" et ses sonorités presque 8-Bits). Le disque ne s’essouffle jamais, et on s’étonne d’assister à un tel enchaînement de compositions douces-amères que l’on a toutes envie de chérir. On pense aux premiers New Order, à Black Marble ou à The Vagina Lips pour cette faculté incroyable à nous offrir quelque chose qui se révèle immédiatement comme une évidence, et, de la même façon que pour leur confrère grec, il y a toutes les chances que cette formation originaire de Brooklyn nous accompagne bien au delà de cet été.

Deathlist
"You Won't Be Here For Long"

"You Won't Be Here For Long"
DATES | Sorti le 29 mai 2020 | Publié le lundi 27 juillet 2020
ET ALORS | Prendre le temps d'écouter ce très bel objet qu’est "You Won't Be Here For Long", c'est accepter de pénétrer dans un univers trouble où règne la pénombre, légèrement enfumé, où l’on respire des vapeurs d'alcool et des relents de sueur. Un endroit où la vision se trouble et où notre discernement s’estompe ; comme si l’on se retrouvait dans un épisode de Twin Peaks ("You Won't Be Here For Long", "I Was Floating") dans lequel on prendrait un plaisir infini à se laisser entraîner, aspiré par cette ambiance légèrement moite, presqu'animale, bercé entre bien-être et malaise. Jenny Logan, originaire de Portland dans l’Oregon, nous offre avec son quatrième album une immersion légèrement noisy, lancinante, entêtante, quasi hypnotique ("Sad High"), qui continuera à vous hanter bien après que l'écoute du disque soit terminée. Deathlist c’est The Jesus à Mary Chain qui aurait été ensorcelé par Chelsea Wolfe, Deathlist vampirise la noirceur de l’un et la douceur de l’autre et parvient à nous envoûter et à nous happer dans son délicieux univers où l’on n’aura de cesse de revenir tant ce qui en émane est d’une beauté quasi magnétique.

Sorry
"925"

"925"
DATES | Sorti le 27 mars 2020 | Publié le mercredi 29 avril 2020
POURQUOI | Les singles précédents l'album
ET ALORS | Quel gifle ce "925" ! Et qu'elle est agréable cette rougeur sur la joue ! La jeune formation originaire de Londres s'amuse avec "925" à rebattre les cartes de l'indie pop en empiétant avec la plus grande finesse sur les plates-bandes de deux trois monstres, et pas des moindres. Ici, sur le refrain de "Right Round The Clock" c'est évidemment à Metronomy que l'on pense lorsque Louis O’Bryen vient doubler la voix féminine d’Asha Lorenz, là, lorsque celle-ci nous rappelle celle de Martina Topley Bird et que s’installe une moiteur et une nonchalance légèrement trip-hop c’est Tricky qui s'immisce, un peu plus loin c'est Pulp et que l'on croise, et tapie dans l'ombre c'est l'énergie de Pixies qui s'impose comme par exemple sur "Perfect" qui porte très bien son nom. Et le tout est organisé d'une façon extrêmement intelligente : c'est frais, c'est enjoué, c'est varié, les mélodies s'installent et l'atmosphère globale redonne ses lettres de noblesse au genre qui d'un coup semble se réinventer totalement. On peine à imaginer que la formation ait pu produire un son aussi mature alors que ce n'est que son premier album. Mais les singles et démos accessible via leur Bandcamp qui ont précédé cette sortie attisent tout notre intérêt ; un bijou comme celui-ci est rare et on va bien prendre soin de lui.

The Vagina Lips
"Outsider Forever"

"Outsider Forever"
DATES | Sorti le 20 janvier 2020 | Publié le jeudi 9 avril 2020
ET ALORS | Très bel album que ce "Outsider Forever" de The Vagina Lips ! Le disque démarre en trombe avec un "I Don’t Want this Day to End", endiablé, tout en guitares, qui donne immédiatement le ton. Ici, s’il s’agit de new wave, ce n’est pas celle 100% synthétique et dansante dont on parle si souvent dans nos pages, mais l’autre, sa cousine proche, celle qui, si elle a en commun ses synthés, sa mélancolie et son romantisme, se distingue par sa parure de guitares lumineuses, ses mélodies puissantes et le lyrisme de son chant. Un peu comme si Morrissey avait rencontré Prefab Sprout, flirté avec Beloved et s’était entiché de Simple Minds. On pense aussi à New Order dans leur version "pop guitare", mais qui auraient signé chez Sarah Records plutôt que Factory. The Vagina Lips est un hommage à toute cette époque mais l'aborde avec une candeur d’adolescent. On se délecte de ces neuf titres qui parviennent à s’imposer dès la première écoute et qui, on le parie, vont rester comme une belle référence, s’installant durablement dans nos oreilles. "Outsider Forever" est le troisième album de Jimmy Polioudis, et le garçon vient de nous envoyer depuis Thessalonique un souffle de fraîcheur extrêmement agréable.

2Kilos &More
"Exempt"

"Exempt"
DATES | Sorti le 12 février 2020 | Publié le lundi 23 mars 2020
ET ALORS | C’est éclatés sur la pochette de leur déjà cinquième album studio qu’apparaissent Séverine Krouch et Hugues Villette : nous étions habitués à les voir de dos ou grimpés dans les arbres, cette fois il sont tout simplement démembrés ! À la première les guitares, au second les parties rythmiques, la composante électronique est quant à elle partagée afin de cimenter des compétences mixtes et complémentaires à l’origine de cet unique subtil dosage d’electronica et de post-rock instrumental que l’on retrouve du début à la fin d’"Exempt". Le duo français reçoit bien entendu une fois de plus la visite de l’ami poète américain Black Sifichi qui en profite pour commencer par s’allumer une cigarette en trois tours de molette de briquet. Il y a toujours cette économie dans la forme, celle qui donne aux compositions de 2Kilos &More leur aspect de matériau très brut et leur confère une part d’authenticité, lesquelles apparaissent dès lors à l’opposé des flamboyances de Meta Meat, l’autre duo que Hugues forme avec Phil Von. Et si aujourd’hui trois labels de qualité sont impliqués pour la sortie du CD, du LP et la diffusion de la version digitale, c’est que cette fois c’est la bonne, on vous le garantit.

Bedroom Eyes
"Nerves"

"Nerves"
DATES | Sorti le 31 octobre 2019 | Publié le mercredi 26 février 2020
ET ALORS | La pochette a elle seule aurait pu faire passer ce "Nerves" pour le disque de rock gothique qu’il n’est absolument pas. Les membres de Bedroom Eyes le définissent plutôt comme de l’heavy shoegaze, et l’on adhère bien volontiers à cette étiquette qui semble inventée pour qualifier le troisième album du groupe de Boston. On adore se laisser happer par cette brume sonore parfois indistincte, qui nous met dans le même état que lorsque l’on essaie de se rappeler un rêve sans y arriver complètement, dans lequel on se souviendra pourtant, par flashs, d’y avoir rencontré les guitares malmenées de My Bloody Valentine, le chant de Ride et la section rythmique d’Amusement Parks on Fire. Était-ce les uns après les autres ou plutôt tous ensemble ? Ce n’est plus très clair, mais peu importe : la fougue du quatuor fera le reste tout au long de ces douze titres bouillonnants et passionnés, guidés par un savoir faire peaufiné depuis le premier enregistrement de 2012 et indispensable à la réalisation d’une telle collection de chansons fiévreuses.

Anna Morley
"Visceral"

"Visceral"
[Ant-Zen]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 29 novembre 2019 | Publié le mercredi 22 janvier 2020
ET ALORS | "Visceral" est le déjà cinquième album de la multi-instrumentiste australienne Anna Morley qui s’est installée à Berlin, et c’est également une sortie complètement inattendue de la part d’un label tel qu’Ant-Zen auquel est confié la distribution de sa version digitale. Et pour cause : tout n’y est que vibraphone, piano, melodica, ukulele, violon et contre-basse ! Reconnaissez tout de même que l’on est à l’opposé des territoires habituels du label allemand puisqu’ici nous sommes en pleine excursion néo-classique, avec un disque à la chaleur rassurante voire carrément bienveillante, sur lequel les instruments semblent tout juste pincés voire caressés. Les compositions libèrent une sensualité que l’on ne rencontre que rarement, pourtant déjà croisée sur les disques de la compositrice Zinovia Arvanitidi. Plutôt qu’à notre cerveau, c’est à nos tripes que parle le bien nommé "Visceral", que l’on trouvera apaisant et gorgé de plénitude à chaque écoute.

FILTRES | a